GUEULES NOIRES – THÉÂTRE TRÉVISE

♥♥♥♥ 1965. Coup de grisou à Avion dans la fosse n° 7. 21 mineurs sont tués, 2 ouvriers sont épargnés : un mineur, Ahmed, d’origine algérienne et un porion, Stéphane, d’origine polonaise. Ils sont bloqués à plus de 300 mètres de profondeur dans une poche d’air.

Ahmed, 25 ans, instituteur en Algérie, est arrivé en France quelques mois auparavant. Il a fui son pays, après avoir tué par accident un de ses oncles, membre du FLN, qui voulait abuser de sa femme. Il quitte précipitamment sa femme Malika et sa fille Fatiha pour les protéger. Arrivé en France, il fait plusieurs petits boulots, puis un de ses amis, Larbi, le motive pour le rejoindre dans le Nord-Pas-de-Calais pour descendre au fond de la mine. Il le remplacera en ce jour du 17 octobre 1965…

Stéphane est de la deuxième génération de Polonais. Son père était mineur, lui aussi mais il est passé porion. Il a vécu la Seconde Guerre mondiale. Aussi, pour lui, la mine c’est pareil à un champ de bataille : chaque jour, jamais on ne sait si on va remonter ou pas en vie. Ce jour-là, sa femme Victoria, qui le voyait malade, insistait pour qu’il ne parte pas travailler. Mais comme à son accoutumée, il ne pouvait manquer un jour de paie !

Suite au coup de grisou, un éboulement surprend et emprisonne Ahmed et Stéphane. Ahmed est gravement blessé, Stéphane va le faire parler pour qu’il ne sombre pas. Ils vont partager leur histoire, leur expérience, leurs rêves, leur culture… et vont se livrer l’un à l’autre tout en essayant de creuser dans l’espoir de retrouver leur liberté.

La mine, les corons, les houillères font partie de l’histoire commune des deux comédiens Hugues Duquesne et Kader Nemer. Originaires du Nord, leurs familles ont connu un grand-père polonais (Stéphane Grzymka) et un oncle algérien (Ahmed Chetibi) qui ont travaillé toute leur vie dans les mines de charbon. Gueules noires leur rend hommage tout en mettant en lumière le bassin minier. Dans la mine, le travail était pénible et dangereux. Des hommes, des femmes, même des enfants y descendaient chaque jour. Près de 29 nationalités composeront les effectifs des mines du Nord-Pas-de-Calais.

De cette mixité sociale et culturelle naîtra une véritable identité, une « mentalité ouvrière » basée sur la solidarité. C’est cette leçon de « vivre ensemble », mise en scène par Ali Bougheraba, qui nous est donnée dans un décor criant de vérité, tout comme la bande sonore. Dès les premières minutes, on est à leurs côtés, partageant leur vie. Même si le déroulé de l’intrigue est quelque peu conventionnel (avec une fin inattendue), l’émotion est palpable à chaque scène, l’atmosphère oppressante, le discours teinté d’histoires personnelles et d’histoire des peuples. Les dialogues vont de l’émoi à l’humour, de l’angoisse à la fraternité. Ils sont interprétés avec talent et justesse par Hugues Duquesne et Kader Nemer. Ils nous invitent à la réflexion autour de l’immigration, les conditions de travail, la famille, la culture, la religion… La vie, quoi !

Gueules noires, coup de cœur du prix Tournesol Avignon 2022. Prix mérité.

Le regard d’Isabelle

GUEULES NOIRES

Crédits photo : l’affiche a été réalisée par Johann Hieroltzer ; les photos et le teaser par Raphael Gonnet.

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