♥♥♥ Aussi chatoyante et délicate que l’étoffe dont il est question, la mise en scène que William Mesguish a tissée autour de ce court roman d’Alessandro Baricco nous transporte dans l’univers des éleveurs de vers à soie, industrie florissante au XIX^e siècle, menacée par une maladie qui contamine les œufs. Pour tenter de sauver sa ville de la faillite, Hervé Joncour traversera le monde à quatre reprises pour rapporter des œufs du Japon et fera une rencontre qui bouleversera sa vie sans histoire.

Grâce à de subtils jeux de lumière, le metteur en scène réussit à créer un univers onirique et envoûtant, qui rappelle celui du livre. Plus que de l’élevage des vers à soie, il s’agit d’une histoire d’amour impossible, fantasmé, celle de l’attraction inexplicable, mais bien charnelle, d’un homme au destin tout tracé, amoureux de sa femme, pour une mystérieuse inconnue à l’autre bout du monde. Le récit balance sans arrêt entre réalité et fantasme. De simples détails (le rouge d’une robe, un visage à peine entrevu, de minuscules ondes dans l’eau…) esquissent le décor et laissent libre cours à notre imagination. La charge érotique contenue dans la description des rencontres entre Joncour et la femme (une courtisane ?) est d’autant plus forte qu’elle est simplement suggérée.

Avec une grande sensibilité, Sylvie Dorliat réussit à nous faire entrer dans cet univers à la fois impalpable et sensuel, composé de silences qui en disent long et souligné par une narration volontairement répétitive. Tour à tour narratrice ou protagoniste, elle restitue à merveille les voyages de Joncour, la présence inquiète de sa femme ou encore celle de l’inconnue. Grâce à elle, la musique des mots d’Alessandro Baricco est aussi douce qu’une caresse de soie à laquelle on s’abandonne.

Le billet de Véronique

SOIE

Le Lucernaire, 53 rue Notre-Dame-des-Champs, 75006 Paris (Métro Notre-Dame-des-Champs).

Du mardi au samedi à 21 h, dimanche à 15 h 30.

Jusqu’au 28 novembre 2021.

Crédits photo : Chantal Deplanche